Dans un arrêt rendu le 22 mai dernier (Cass. crim., 22 mai 2024, n° 23-83.180, FS-B), la chambre criminelle de la Cour de cassation vient rappeler le principe du transfert de responsabilité pénale de la société absorbée à la société absorbante, en l’étendant aux autres formes sociales, et plus particulièrement aux SARL.
Jusqu’en 2020, la Cour de cassation estimait que l’opération de fusion-absorption faisait disparaitre la société absorbée mais mettait également un terme aux poursuites pénales engagées à son encontre, en s’appuyant sur le principe de personnalité des peines. Ainsi, la dissolution de la société absorbée par fusion-absorption entrainait la disparition de sa personnalité juridique et l’extinction de toutes poursuites à son égard.
Par un arrêt du 25 novembre 2020 (Cass. Crim., 25 novembre 2020, 18-86.955, Publié au bulletin), la chambre criminelle de la Cour de cassation avait opéré un important revirement de jurisprudence, en admettant qu’en cas de fusion, la société absorbante pouvait être tenue responsable pénalement des faits commis par la société absorbée, et ce, précédemment à l’opération de fusion.
Cette décision, qui s’appliquait aux SA et plus largement aux autres sociétés par actions, est désormais étendue aux autres formes sociales et plus particulièrement aux SARL, par l’arrêt du 22 mai 2024.
En effet, par cet arrêt, la Cour de cassation écarte la condition relative à la nature de la société concernée et juge que le transfert de responsabilité pénale est désormais systématique en matière de fusion-absorption, quelle que soit la forme sociale de la société concernée par l’opération.
La Cour de cassation s’appuie ainsi sur plusieurs textes :
- l’article 121-1 du Code pénal, établissant que « nul n’est responsable que de son propre fait »,
- l’article L.236-3 du Code commerce, applicable aux SARL : « La fusion ou la scission entraîne la dissolution sans liquidation des sociétés qui disparaissent et la transmission universelle de leur patrimoine aux sociétés bénéficiaires, dans l’état où il se trouve à la date de réalisation définitive de l’opération. »,
- enfin, sur l’article L.1224-1 du Code du travail établissant que « lorsque survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l’entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise. »
La haute juridiction conclut son arrêt en établissant que l’activité économique exercée dans le cadre de la société absorbée, constituant la réalisation de son objet social, se poursuit dans le cadre de la société qui a bénéficié de cette opération et qu’ainsi, la continuité économique et fonctionnelle de la personne morale conduit à ne pas considérer la société absorbante comme étant distincte de la société absorbée, permettant que la première soit condamnée pénalement pour des faits constitutifs d’une infraction commise par la seconde avant l’opération de fusion-absorption.
En conclusion, la société absorbante peut ainsi être condamnée pénalement à une peine d’amende ou de confiscation pour des faits constitutifs d’une infraction commise par la société absorbée avant l’opération. Cette solution est applicable aux opérations de fusions-absorptions conclues après le 25 novembre 2020, date du revirement de jurisprudence.